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Aide psychologique à la parentalité

Marie-Gaelle Giran

Dernière mise à jour : 10 déc. 2024

Article de Marthe Barraco de Pinto, Psychologue Clinicienne (cairn.info)


Marie-gaelle Giran Psychologue Aubagne


« Ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants. » C’est la phrase magique qui termine les contes, à ces moments-là, le rêve d’un bonheur parfait enveloppe chacun. Mais la reine meurt à la naissance de sa fille très désirée, comme dans Blanche Neige, et la jeune princesse est persécutée par sa belle-mère, presque jusqu’à la mort, le petit Poucet est abandonné avec ses frères par ses parents qui ne peuvent plus les nourrir, le vilain petit canard, parce qu’il est différent de sa famille, souffre jusqu’à s’enfuir dans le danger. Ces thèmes de récits traditionnels nous ouvrent à la réflexion sur les rapports parents-enfants. Sans doute cette relation essentielle est-elle si chargée de sens qu’elle n’est ni évidente ni simple.

Devenir parent, aujourd’hui, est un acte responsable qui est souvent maîtrisé, volontaire conscient. Le nombre des enfants est réduit. L’enfant est attendu, il est voulu le plus parfait. Il est donc précieux. Le bébé représente la pérennité de la vie, en quelque sorte la chaîne continue de l’humanité audelà du temps de vie imparti à chacun. Il est porteur d’attentes explicites et implicites des différents membres de la famille et particulièrement de ses parents : ce bébé qui naît a été préparé dans le psychisme de ses père et mère depuis leur plus jeune âge, il va condenser, porter dès sa conception les différentes représentations conscientes et inconscientes qui ont jalonné leur évolution psychoaffective, dans cette évolution, tout enfant doit accepter la différence sexuelle, admettre que la fille seule portera un bébé, quand elle arrivera à l’âge adulte, que ce bébé sera conçu avec un homme extérieur de la famille, pas avec le père, qui, s’il démontre de la tendresse à la fille, ne donne des bébés qu’à sa femme.

Ce désir infantile de possession d’un enfant est confronté un jour à la réalité : tout enfant à sa naissance doit être adopté par ses parents, pourrait-on dire. La rencontre peut être immédiate, lente ou ratée (je n’évoque pas des situations plus délicates touchant la psychopathologie des adultes ou des problèmes spécifiques du bébé comme la prématurité, une malformation, etc.). Il s’agit, pour que ce processus d’appropriation se déclenche et que l’on entende : « Il te ressemble, c’est notre enfant », que les tensions dues au passage à la position de parent soit réductibles. Les écueils guettent à tout détour : les images parentales permettent-elles au sujet de devenir parent le temps venu ? La rivalité parent-enfant est elle assez calmée ? Le vécu de bébé a t-il été assez heureux pour que l’adulte devenu jeune parent puisse trouver des identifications à son bébé qui lui permettent des réponses adaptées et plaisantes ? Pour accueillir son bébé, la femme devenant mère s’identifie à lui, c’est-à-dire qu’elle puise en elle pour redécouvrir des fonctionnements psychiques infantiles et se rapprocher de son nourrisson : elle interprète tous les signaux venant du bébé et elle agit en fonction de ce qu’elle a interprété pour lui.

 

À tout autre âge de la vie, une relation de ce type serait une totale aliénation. Là, elle est vitale. Puis cette relation change.

 

Actuellement et depuis environ une génération, chez nous, les pères participent à tous les soins primaires donnés au bébé et nous voyons que, dès ce moment-là, les deux adultes devenant parents peuvent être fragilisés psycho-logiquement par ces mouvements de régressions nécessaires. La dépression du post-partum touche les deux parents.

La naissance d’un enfant, donc, peut ébranler l’équilibre des personnes.

De même, le couple risque une fragilisation quand l’enfant se trouve accaparé par l’un des deux parents – il n’est pas rare, par exemple, que la femme devenue mère se refuse durablement à tout échange sexuel après un accouchement ou que l’homme ne la trouve plus désirable.

 

La naissance d’un enfant implique donc des remaniements psychologiques qui vont bouleverser le fonctionnement des adultes : ce processus de maturation de la personnalité est désigné par le terme de parentalité – plus précisément : « maternalité » et « paternalité ». La parentalité est le processus psychologique qui permet aux adultes devenant parents de répondre aux différents besoins des enfants : du corps, de la vie affective et psychique et sociale.

Ces besoins se modifient au fur et à mesure que l’enfant grandit. Le formidable développement du petit enfant vise à le construire comme une personne individuée, c’est-à-dire ayant une frontière, non seulement une frontière corporelle, ce qui paraît plus évident (encore que…), mais surtout ayant une intériorité psychique constituée de ses propres idées, émotions etc. Ce travail de séparation-individuation est essentiel non seulement pendant l’enfance, mais toute la vie durant, avec des négociations plus aiguës à l’adolescence, par exemple, ou au cours de la vie de couple.

 

Dans ce travail, les parents accompagnent les enfants. En quelque sorte, ils refont le chemin qu’ils ont eux-mêmes déjà accompli. C’est à la fois une chance pour eux de remanier certains problèmes anciens, mais aussi un risque, celui de se retrouver en trop grande résonance avec une difficulté de leur enfant et de la majorer en la dramatisant. Les accrocs scolaires sont très illustratifs : beaucoup de parents se retrouvent avec leurs enfants en échec comme s’ils étaient eux-mêmes à nouveau sur les bancs de l’école. Ils ressentent les mêmes craintes, les mêmes dévalorisations, ils sont alors très démunis pour apporter un soutien.

 

Donc, à tout moment de l’évolution de leur enfant, les parents peuvent se retrouver en difficulté. Un adulte n’a pas forcément à toutes les périodes de sa vie les mêmes disponibilités à exercer sa fonction de parent : des mères l’expriment quand elles disent qu’elles préfèrent les jeunes enfants, ou quand on entend que l’adolescence est ingérable après des moments qui ont été idylliques. L’histoire intervient : celle du passé et celle du moment avec le vécu particulier du couple, des problèmes familiaux actuels et ceux de la vie en général qui confrontent aux pertes et aux deuils et qui se répercutent dans la relation avec l’enfant.

 

Cette relation parents-enfants, comme toute relation humaine significative, est empreinte de sentiments contradictoires. L’ambivalence est cette possibilité d’osciller entre des sentiments positifs et des sentiments négatifs à l’égard de la même personne, sans idéalisation excessive ni destruction complète de la relation. Les parents sont peu préparés à ressentir des mouvements aussi contrastés vis-à-vis de leur enfant, tant est gommé socialement l’aspect négatif généré par cette relation. En fait, le problème ne se situe pas dans le ressenti, mais plutôt dans la gestion de ces émotions : c’est-à-dire dans la capacité à gérer, à contenir ce négatif. Peut-être que l’ajustement des rêves des parents à la réalité de leurs enfants et de la relation avec eux, marque un continuel travail d’intégration où le pire et le meilleur se côtoient parfois.

Les enfants, eux, expriment leurs difficultés par toute une série de symptômes. Cela va de ce qui touche le plus au corps quand ils sont tout petits à ce qui concerne plus les conduites, quand ils sont adolescents par exemple.

La question est de replacer ces expressions de malaise dans leur économie psychique et de faire le lien avec la dynamique familiale, c’est-à-dire de considérer que ces symptômes sont un compromis, une sorte de réponse à une souffrance psychique – la moins mauvaise réponse que le sujet ait réussi à créer – et qu’il existe des effets de rebond, en interaction avec le groupe familial.

Ainsi, quand on est consulté en tant que psychologue, une première étape est de comprendre avec les parents où sont les souffrances. Qui s’exprime ? Comment les autres réagissent-ils, quels sont les effets des symptômes sur l’équilibre du groupe familial ? Il s’agit, dans ce temps, d’un travail de défrichage, d’élucidation et d’une tentative de retrouver des ressources dans la famille pour sortir de ces difficultés.

 

Les parents sont donc fortement interpellés, car on leur demande de chercher en eux les identifications qui les relient à leurs enfants, de verbaliser des émotions dont ils se culpabilisent quelquefois, de réfléchir aux interactions dans la famille etc. etc.

D’autre part, comme on sait qu’un enfant qui réussit à se dégager un peu de comportements qui le gênent et le mettent en difficulté avec ses parents peut contribuer à rompre des spirales interactives néfastes entre eux, on est quelquefois en mesure de lui proposer une aide personnelle (je n’entre pas dans la question des évaluations qui mènent aux indications). Dans un accompagnement psychopédagogique et psychothérapique, l’enfant a l’occasion de vivre une autre relation avec un adulte qui s’intéresse à sa vie psychique et à ses productions. Il est important de jouer sur les deux registres, d’avoir un travail à deux niveaux, en insistant sur leur complémentarité.

Aider des parents, c’est surtout aider à ce que la famille retrouve ou trouve ses propres compétences pour évoluer et permettre aux enfants, plus tard, de devenir des parents suffisamment bons.


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